La Newsletter du Conseiller en Génétique

N°3-Septembre 2009

Édito par Christophe CORDIER

100 … c’est le nombre de conseillers en génétique diplômés en France, qu’il y aura en 2011.

La formation de « Conseillers en Génétique » compte, pour cette nouvelle rentrée 2009, 19 étudiants inscrits en première année et 17 en deuxième année de Master Professionnel. 14 nouveaux diplômés sont d’ores et déjà insérés dans une voie professionnelle, répartis dans tout le pays. Avec 72 représentants, notre profession de santé est aujourd’hui bien ancrée dans le monde de la génétique. Nos présences et actions dans les différents congrès ont su montrer notre réelle implication et motivation dans ce domaine médical. Nos efforts sont alors récompensés puisque nous sommes tous conviés, étudiants et professionnels, à participer aux « 5ème Assises de génétique humaine et médicale » qui auront lieues à Strasbourg du 28 au 30 janvier 2010. Ces Assises sont pour nous un moyen supplémentaire de faire connaître notre formation mais aussi nos aptitudes à travailler avec une équipe pluridisciplinaire et aussi notre savoir faire.

Une reconnaissance Française … mais également Européenne, puisque l’European Network of Genetic Nurses and Counsellors, fortement intéressé par notre formation unique en son genre, a invité deux de ses membres français à participer à une formation de « formateurs en conseil génétique ». Etant le seul pays Européen à avoir autant oeuvré pour mettre en avant ses compétences professionnelles, nous sommes aujourd’hui les seuls à bénéficier d’une loi et d’un décret nous autorisant à exercer.

 

Côté Législation par Nelly PASZ

Dépistage combiné de la trisomie 21 au 1er trimestre de la grossesse : de son évaluation au décret d’application

En juin 2007, la HAS (Haute Autorité de Santé) a présenté une étude sur l’évaluation des stratégies de dépistage de la trisomie 21 en vue de mesurer l’opportunité d’une modification du dépistage existant. En effet, depuis 1997, le dépistage prénatal de la trisomie 21 repose sur le dosage de deux marqueurs sériques maternels (l’hCG ou la sous-unité libre b-hCG et l’AFP ou l’a foeto-protéine) réalisé entre la 15ème et la 18ème semaine d’aménorrhée (SA). Les pratiques du dépistage se sont développées avec la mesure échographique de la clarté nucale au 1er trimestre. Ce dépistage conduit à un taux de détection compris entre 80,6 et 88 % pour un taux de faux positifs de 4,8 à 5,3 %. Avec de tels chiffres on arrive à un taux de 11% de ponction de liquide amniotique, or cet examen invasif est responsable de pertes foetales et génère une anxiété maternelle.

En parallèle, depuis 1990 de nouvelles stratégies de dépistage de la trisomie 21 ont été envisagées dans le but d’obtenir un taux de détection plus élevé et de diminuer celui de faux positif, qui permettrait justement de réduire le nombre d’examens invasifs.

Deux stratégies peuvent retenir notre attention :

1. La réalisation d’un dépistage combiné prénatal de la trisomie 21 dès le 1er trimestre grâce au dosage de deux marqueurs sériques maternels (PAPP-A ou la protéine plasmatique placentaire de type A et l’hCG), associé à la mesure de la clarté nucale.

2. La combinaison de la mesure de la clarté nucale avec les différents marqueurs du 1er et 2ème trimestre avec calcul de risque intégré.

1. Selon 25 études analysées, le dépistage combiné par mesure de la clarté nucale et des marqueurs sériques du 1er trimestre permet un taux de détection variant entre 73 et 100 %, pour un taux de faux positifs allant de 2,1 à 9,4%. La majorité des études médico-économiques ont conclu en faveur de ce dépistage. Cette stratégie permet d’autant plus de dépister précocement d’autres aneuploidies (trisomies 13, 18, syndrome de Turner) et certaines malformations anatomiques, notamment cardiaques.

Mais le dépistage combiné du 1er trimestre ne présente pas que des avantages. Le premier inconvénient est lié au problème de reproductibilité de la mesure échographique de la clarté nucale, il s’agit du paramètre le plus sensible soumis aux aléas techniques et à l’expérience de l’opérateur. Elle doit être mesurée par un échographiste expérimenté selon les critères précisément définis par la FMF (Fetal Medicine Foundation) ou le CFEF (Collège Français d’Echographie Foetale). Dans l’idéal, il devra être accrédité par l’un des centres français ou étrangers ayant mis en place un programme de formation spécifique sur ce sujet. Cette mesure va devoir impliquer la mise en place d’une démarche d’assurance qualité, initialement qualitative, puis quantitative. La fenêtre temporelle stricte étant d’ailleurs limitée (entre 11+0 et 13+6 SA), le second argument d’opposition est l’imposition de contraintes en terme d’organisation de ce dépistage. Se pose aussi le problème de la prise en charge des femmes se présentant tardivement à la 1ère consultation prénatale, et surtout devant les diagnostics de grossesse tardifs. De plus, certaines femmes seront confrontées à la prise de décision d’une interruption médicale de grossesse (IMG) précoce alors que certaines grossesses se seraient spontanément interrompues. Un dernier argument de poids est celui de la perte du bénéfice du dépistage des neurodysraphies grâce au dosage de l’AFP. Cependant, l’échographie du 2ème trimestre offre des perspectives en matière de dépistage de ces anomalies.

2. Le dépistage intégré par mesure de la clarté nucale et des marqueurs sériques du 1er et 2ème trimestre sans révélation des résultats du 1er trimestre, est la stratégie offrant les performances les plus élevées, avec un taux de détection de 94 à 95 % pour un taux de faux positifs de 5 %. Elle possède le même impact potentiel sur le dépistage des autres anomalies chromosomiques et des malformations anatomiques. Elle permet aussi le dépistage des neurodysraphies.

Par contre, ce dépistage fait perdre la précocité d’accès au diagnostic prénatal, il s’agit d’une stratégie longue, qui pourra être confrontée à un taux d’abandon en cours de dépistage important. Il s’agit également de la stratégie la plus coûteuse. Enfin, des questions éthiques sont soulevées quant à la rétention d’informations des résultats du 1er trimestre.

D’autres études ont porté sur un dépistage séquentiel en 2 étapes (mesure de la clarté nucale avec ou sans les marqueurs du 1er trimestre associé aux marqueurs du 2ème trimestre), voire séquentiel conditionnel (la plus complexe mais aussi théoriquement celle qui présente le plus de bénéfices), mais n’ont pas été retenues. Il a été aussi discuté de l’intérêt de la mesure de l’os nasal au 1er trimestre, mais qui est soumise à de trop nombreux paramètres échographiques difficilement standardisables.

L’HAS a finalement conclu son rapport en recommandant la proposition d’un dépistage combiné du 1er trimestre de la grossesse réalisé entre 11+0 et 13+6 SA associant la mesure de la clarté nucale et des marqueurs sériques (PAPP-A et hCG). Cette stratégie de dépistage en France implique la modification du cadre réglementaire (arrêtés du 27 mai 1997 et du 30 septembre 1997) ainsi que la mise en place d’un programme d’assurance qualité dans le domaine de la mesure de la clarté nucale par une formation des professionnels et par un contrôle de qualité. Elle propose aussi la création de supports d’information plus adaptés permettant à toutes les femmes de comprendre les tenants et les aboutissants de ce dépistage dans le but d’éclairer le choix des femmes aux trois temps de décision (dépistage, diagnostic et IMG). Cette nouvelle recommandation relative à l’opportunité de modifier la stratégie de dépistage prénatal de la trisomie 21 été élaborée à la demande de la Direction Générale de la Santé (DGS), du Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF) et du Collectif Interassociatif Autour de la NaissancE (CIANE) qui ont répondu favorablement à la recommandation de l’HAS.

C’est donc l’arrêté du 23 juin 2009 qui fait entrer en vigueur la modification du dépistage prénatal de la trisomie 21 par un dépistage combiné des marqueurs sériques du 1er trimestre et à la mesure échographique de la clarté nucale. Les femmes n’ayant pas réalisé ce dépistage à temps peuvent avoir recours à un dépistage séquentiel intégré du 2ème trimestre avec les marqueurs sériques du 2ème trimestre associés à la mesure échographique de la clarté nucale. Enfin, si ni l’un ni l’autre n’ont pu être réalisés, les femmes peuvent bénéficier du dépistage par les seuls marqueurs sériques du 2ème trimestre dont un logiciel évaluera le risque. La proposition de réalisation d’un diagnostic prénatal d’emblée pour les femmes de plus de 38 ans n’est plus justifiée, car ce dépistage permet d’obtenir un taux de détection élevé. Les différents paramètres sont explicités dans chaque article du décret. La mesure de la clarté nucale doit être effectuée entre 11+0 et 13+6 SA (soit de 45 mm à 84 mm de longueur cranio-caudale) avec un contrôle qualité de cette mesure reposant sur l’adhésion des échographistes à un programme d’assurance qualité et à un réseau de périnatalité associé à un ou plusieurs Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal (CPDPN), ainsi qu’à la production d’images de qualité sur des appareils conformes à la réglementation. Le prélèvement sanguin doit être fait pendant la même période (11+0 et 13+6 SA), ou entre 14+0 et 17+6 SA pour les marqueurs du 2ème trimestre. L’analyse en biochimie des marqueurs est soumise à une réglementation CE. Le calcul du risque combiné du 1er trimestre nécessite un dossier complet répondant aux différents critères. Une démarche diagnostic est proposée à la femme enceinte dès que son risque calculé est supérieur à 1/250. L’article de loi parle également d’un suivi de données pour ces grossesses. De plus, la prescription et les données sont conservées pendant 5 ans par le laboratoire et les sérums sont congelés à -20°C pendant un an après la date du prélèvement. En pratique, ce décret n’est pas appliqué à ce jour, une diffusion d’information sur ce dépistage est d’abord nécessaire auprès des praticiens, puis des femmes enceintes, des laboratoires agréés pour la mise en conformité des réactifs biochimiques, et pour un accord sur la tarification de ce dépistage.

Pour plus de renseignements vous pouvez consulter: Journal Officiel de la République Française ; « Arrêté du 23 juin 2009 : utilisation des marqueurs sériques maternels de la trisomie 21 »

HAS ; « Evaluation des stratégies de dépistage de la trisomie 21, Recommandation en santé publique de juin 2007 ».